La journée avait été éprouvante, levée aux aurores pour monter Asha avant que le club n’ouvre ses portes et que les leçons débutent à 8 heures. Tu avais repris ton emploi de monitrice à plein temps et tu ne regrettais vraiment pas d’être là, de voir les progrès de tes petits protégés semaine après semaine. Bon, pour certains, les progrès étaient plus lents, la passion prévaut souvent sur le talent inné que peu d’élève pouvait se vanter de posséder. Mais qu’importe, ce qui comptait c’était surtout la motivation et l’envie. Tu étais en train de donner ton dernier cours de la journée, il était près de 17 heures et déjà le soleil déclinait, entrainant l’allumage des spots puissants éclairant la carrière. Tu souris à cet élève. Il monte depuis déjà plusieurs années mais quelques semaines plus tôt, il s’est fait peur sur l’obstacle que tu veux qu’il resaute maintenant. Tu sais que la peur est la seule chose qui le retient de le faire. Il a sauté des centaines d’obstacles de la sorte, il n’était jamais tombé mais maintenant que c’est fait, il refuse d’y retourner, refuse d’à nouveau risquer une chute. Elliot, je veux que tu fixes un point loin devant toi, au-delà de l’obstacle, au-delà de la carrière, au-delà de Phoenix. Je veux que tu ne penses qu’à ce point, que tu veuilles rejoindre ce point et que c’est ça ton objectif, que rien d’autre ne compte que ce point ! Tu n’avais aucune crainte que son cheval se dérobe ou refuse l’obstacle, c’était le genre de cheval qui pouvait sauter tout seul, sans cavalier, sans ordre et sans direction car il aimait juste voler au-dessus des barres. La seule chose qui pouvait poser problème, c’était cette peur, cette peur insensée que tu connaissais que trop bien et que tu voulais voir disparaitre plus que tout. Ce combat contre la peur qui irradiait tes veines depuis près d’un an était un combat de tous les jours et aujourd’hui, tu prévoyais de le gagner en combattant ta peur à travers celle d’Elliott. Quelques secondes plus tard, le galop régulier du hongre gris battait le sol, Elliott était prêt, le regard fixé à l’horizon sur ce point imaginaire que tu lui avais inventé. L’obstacle arriva, tu te tendis un quart de seconde avant de te détendre totalement quand le galop régulier repris, accompagné d’un sourire béat sur la tête du jeune cavalier. Il avait réussi, il avait franchi l’obstacle et vaincu sa peur. C’était une petite victoire pour toi mais un grand soulagement pour lui et après lui avoir fait resauter deux trois fois la monstrueuse barre et avoir laissé les chevaux se détendre avec une dernière marche au pas, tu ordonnais à tes élèves de retourner à l’écurie et de prendre soin de leurs montures, qui avaient bien travaillés aujourd’hui et qui méritaient bien un peu d’attention et d’amour.

Quant à toi, ta journée n’était pas finie, loin de là, il te restait une jument à monter. Cette dernière, un peu capricieuse et surtout très têtue, refusait de se laisser guider par sa propriétaire qui nous avait donc demandé de la dresser un peu. Tu avais très vite découvert que la jument n’appréciait pas le mors qu’elle avait et qu’une fois cette pièce d’harnachement changée, elle devenait beaucoup plus obéissante et réceptive. Elle était même devenue agréable à monter. Cette séance était donc plus une séance de vérification avant de montrer les progrès de la bestiole à sa propriétaire le lendemain. Après l’avoir sellée et emmenée à la carrière, tu montais sur la jument, réglant mes étriers alors qu’elle commençait doucement à se mettre en route avec un pas énergique. Sa jeunesse était un véritable atout et son énergie presque trop débordante faisait d’elle une parfaite future compétitrice. Tu commençais doucement à changer d’allure, lui permettant de s’échauffer avant de passer à l’obstacle. Le saut qui avait tant terrorisée ton élève ne fut qu’une formalité pour toi et tu continuais la séance pendant plusieurs minutes. Seulement au bout d’un moment, peut être vingt, trente minutes, ce n’est pas comme si tu comptais ton temps à cheval, une silhouette apparue au bord de la carrière, tu ne mis que quelques secondes à reconnaitre le nouveau venu. Aaron… Que faisait-il là ? Votre dernière rencontre avait été inattendue et presque tendre mais celle qui restait vraiment marquée dans ta mémoire était la foi d’avant où la tension avait été à son maximum jusqu’au départ du jeune homme. Mais tu ne peux pas te permettre de t’énerver en cet instant, pas à cheval, pas quand un cri ou une voix trop haute pourrait effrayer ta jeune monture et t’envoyer au tapis. Tu t’approches quand même de lui. Aaron ? Tu viens prendre des cours d’équitation ? Après tout, peut être que sa présence n’avait rien à voir avec toi-même si tu en doutais fortement…

Cela faisait un peu moins de deux mois que tu t’étais fait éclater la figure par deux illustres inconnus qui s’étaient permis de juger ta vie. Depuis tu avais voulu remercier celle qui t’avais soutenu et même, tu pouvais le dire, sauvé de cette situation catastrophique, Jamie. Si tu ne l’avais pas fait plus tôt c’était parce que les premiers jours après cette histoire, tu avais été bien amoché, ta plaie à l’arcade ayant gonflé et tu n’avais pas eu envie de sortir de chez toi. Tu avais même fait un arrêt maladie. Ça avait été trop dur pour toi de sortir, d’affronter le monde extérieur qui te voulais tant de mal et puis tu avais voulu rester discret, or avoir des bleus au visage n’aidait pas à cela. Après cette période à être reclus dans ton appartement, les séquelles physiques s’étaient envolées et celle psychologiques avaient commencé à s’atténuer mais était venue la période des fêtes. Tu savais que ce n’avait donc pas été le moment pour aller voir Jamie. Tu avais donc décidé de venir la voir au courant du mois de janvier. Tu voulais vraiment pouvoir la remercier, cette fois-ci en en ayant vraiment conscience parce que la dernière fois que vous vous étiez vu, tu te souviens l’avoir fait mais tu n’en es pas vraiment sûr. Il faut dire que tu gardes un souvenir plutôt flou de cette journée, enfin tu sais ce qui t’es arrivé, tu sais pourquoi, tu te souviens de ce qui a été dit mais tu n’es juste pas certain de tout, comme le fait que Jamie ait crié que ce qui était arrivé des années plus tôt avait été un accident. Cette scène avait été sortie tout droit d’un de tes propres rêves et tu as encore du mal à croire que c’était vraiment arrivé. Mais tu ne viens pas pour ça, tu ne viens pas pour poser des questions ou apaiser ta conscience, pas comme la dernière fois, non, tu viens simplement la remercier pour ce qu’elle a fait pour toi parce que tu trouves ça important, parce qu’elle n’était pas obligée de faire ce qu’elle a fait pour toi.

Tu avais donc acheté une petite boîte de chocolats. Tu te disais qu’il était poli et aimable d’offrir un petit quelque chose pour remercier quelqu’un, enfin tu n’en étais pas sûr mais tu les avais quand même achetés ces chocolats. Tu ne savais même pas si elle aimait ça, mais tout le monde appréciait cette petite douceur, non ? Sur le chemin, sur ta moto, ton seul moyen de déplacement qui est à toi, tu t’étais tantôt dit que c’était une bonne idée, tantôt que c’en était une mauvaise. Tu n’en savais strictement rien. En tout cas, tu étais déjà sûr que tu avais fait le bon choix en n’achetant pas des fleurs, cela faisait trop rendez-vous. Tu avais cependant une appréhension qui n’avait rien à voir avec le cadeau, peut-être d’ailleurs que cette boîte de chocolat occupait autant ton esprit pour te distraire du vrai problème : tu ne savais pas si venir la remercier était vraiment une bonne idée. Du moins, peut-être pas au ranch, peut-être pas en lui montrant que tu cherchais vraiment à la voir. La dernière fois que tu étais venu la rencontrer sur son lieu de travail, ça s’était vraiment mal passé mais en même temps, tu ne savais pas où la trouver d’autre, tu n’avais pas son numéro ni son adresse et tu avais vraiment envie de lui montrer à quel point tu étais reconnaissant pout ce qu’elle avait fait pour toi. Une fois arrivé, tu enlèves ton casque, ouvre ta veste en cuir et respire un grand coup, ça va bien se passer. Tu ouvres le coffre de ta moto qui se trouve sous ton siège et tu prends la petite boîte que tu vas offrir à Jamie. Tu prends ton courage à deux mains et la boîte de chocolat dans l’une ainsi que ton casque dans l’autre et tu avances tout en regardant autour de toi. Tu ne sais où la trouver alors tu restes attentif. Après un petit moment de marche, tu remarques une silhouette que tu connais sur un grand cheval. Tu t’approches alors et tu remarques qu’elle t’a aussi vu. C’est bien Jamie. Tu ne sais pas trop pourquoi mais tu te sens un peu gêné alors tu te contentes de la regarder et tu attends qu’elle te parle en premier, ce qu’elle fait. « Euh salut… » Tu es un peu déboussolé, tu ne t’attendais pas trop à cette question, à vrai dire tu n’avais jamais pensé à monter sur un cheval un jour, mais pourquoi pas, sauf que ce n’est pas pour ça que tu es venu. « Je sais pas, enfin euh non, non je suis venu pour te voir, pour te remercier pour l’autre jour. Mais si t’es occupée, comme ça à l’air d’être le cas je peux partir » Tu te défiles complétement, ce n’est pas dans tes habitudes mais la situation que tu avais vécu avec Jamie te rend un peu stressé, tu ne veux vraiment pas la déranger, tu ne veux pas t’imposer à elle, pas cette fois et tu as peur qu’elle le prenne comme ça. Tu te dis que c’était une mauvaise idée et que tu ferais mieux de partir, tu attends sa réponse pour prendre ta décision.

Voir Aaron une nouvelle fois dans ce lieu si familier, si réconfortant te déboussole encore. Tu es partagé entre l’envie d’approcher et de connaitre la raison de sa présence ici et celle de l’ignorer complétement, de continuer ton entrainement pour ne pas avoir à revivre ce que tu as vécu la première fois que le jeune Carter a montré le bout de son nez dans l’écurie. Mais la curiosité finit par l’emporter sur ta peur et tu approches, lui demandant rapidement ce qu’il fait là. Il a l’air un peu perdu, un per déboussolé, au moins cela vous fait un point commun. Tu ne comprends pas bien ce qu’il te raconte. Te remercier ? Tu inspires un grand coup alors que la scène devant le café te revient en mémoire, les émotions, les sensations et les mots prononcés. Tu hoches la tête alors que ces paroles prennent une autre tournure, il est venu de remercier mais sous prétexte que tu es sur un cheval, il s’en va. Une partie de toi se dit qu’au final, c’est peut-être mieux de le laisser partir, cette rencontre n’étant qu’une erreur de plus dans un chemin tout tracé d’une vie sans Aaron mais une autre souhaite qu’il reste, souhaite le voir un peu plus longtemps, souhaite être la raison de sa venue. Tu soupires et met pied à terre, passes les rennes de la jument par-dessus sa tête, lui intimant ainsi que la séance est terminée. Tu n’as pas vraiment fini mais tu en sais assez sur l’animal pour la présenter sans appréhension à sa propriétaire demain. T’en fais pas, j’avais terminé de toute façon… Tu fais claquement doucement ta langue pour motiver la jument à te suivre ce qu’elle fait sagement. Alors que tu passes à hauteur d’Aaron avec elle, la jument regarde le jeune homme, suspicieuse, elle tend la tête vers lui. Tu souris. Les chevaux ont une sorte de sixième sens tellement développés que cette jument a senti ta méfiance et s’assure d’elle-même que le nouveau venu ne va pas lui faire du mal ou te faire du mal. Je la ramène au box, si tu veux, tu peux m’accompagner, ça sera plus agréable que d’attendre dehors. En tout cas pour toi qui adorait les chevaux et préférait largement passer du temps dans les écuries que dehors. Tu remontes jusqu’aux écuries, passant devant une dizaine de chevaux avant de trouver le box de la jument. Tu l’attaches à la porte de son box le temps de la desseller et de la brosser. Tu retires ensuite la selle. Un silence gênant s’est installé entre toi et Aaron. Il faut dire que tu ne sais pas vraiment quoi dire à celui qui a pu te faire tant de mal dans le passé mais qu’une partie de toi à pardonner alors qu’il était couvert de sang au sol après s’être fait tabasser par deux abrutis qui se mêlaient de vies qui n’étaient pas les leurs. Ca va mieux ton arcade ? Phrase banale à souhait mais tu n’as pas vraiment d’inspiration pour faire plus original alors plutôt que de rester dans ce silence, tu te préoccupes de la blessure la plus impressionnante qu’il avait lors de votre précédente rencontre. Tu sais que physiquement cela va mieux car on ne voit plus qu’une cicatrice mais tu es bien placée pour savoir que les blessures physiques sont toujours les plus simples à réparer, que la douleur, la honte, les regrets et les remords, eux, ne partent jamais vraiment. Tu t’empares d’une brosse et commence à t’attaquer au pelage. Tu n’es pas aussi douce que d’habitude, tu es plus abrupte, plus sèche dans tes mouvements. La présence d’Aaron te stresse c’est indéniable mais une partie de toi aime qu’il soit là, aime qu’il soit venu te remercier, aime envisager la possibilité infime qu’il revienne encore une fois dans le futur à l’écurie. Et tout le reste de ton être déteste cette partie, elle la hait à un tel point que tu ne sais pas bien si tu vas pouvoir rester stoïque tout le temps où il va être là. Comment une telle partie de toi peut-elle encore exister alors que l’homme qui se tient face à toi est l’homme responsable de la tragédie de ta vie, de la descente aux enfers qui s’en est suivie et de la dure remontée à une vie stable et normale…

Y réfléchir à deux fois, tu te dis que c’est ce que tu aurais dû faire avant de te présenter à Jamie. Tu t’en rends compte à cet instant précis quand elle te demande implicitement ce que tu fais ici. Tu sais très bien pourtant pourquoi tu te tiens face à elle mais tu te rends compte que c’est peut-être stupide et que ce n’est pas l’endroit. Tu te dis que si vous n’aviez pas eu ce passé ensemble ça serait différent, tu aurais eu le droit de venir la remercier mais au vu de tout ce qui s’est passé entre vous… Comme bien souvent tu te dis que tes décisions sont finalement des mauvaises idées. Une série de mauvaises idées, voilà ce à quoi tu penses quand tu retraces ton parcours. Du moins ce n’est pas le cas pour toute ta vie, tu te dis que tout ceci a commencé quand tu avais décidé de ne pas retourner à Harvard après ton année sabbatique, le début de tes soucis… Après ça n’avait été qu’un enchaînement d’actions et de paroles dont tu n’es pas sûr d’avoir fait le bon choix et c’était difficile de vivre avec ça, de savoir pertinemment que tu as merdé quelque part et que c’est de ta faute. Tu balbuties quelque chose à Jamie pour lui répondre et tu montres sans le vouloir ta faiblesse et ton incertitude à travers tes mots. En même temps tu n’as pas envie de te camoufler à cet instant, de voiler qui tu es et ce que tu ressens vraiment. Elle t’a vu faible au sol, elle t’a vu faible des années plus tôt devant un tribunal, tu n’es plus à ça près, à moins que si ? Tu n’en sais rien, tu te dis même que tu ne sais plus ce que tu fais ici jusqu’à ce qu’elle te dise qu’elle a terminé sa séance. Tu n’aurais pas cru qu’elle te dise ça, tu te voyais déjà retourner vers ta moto et te répéter à quel point tu es stupide, à quel point tu as besoin de réfléchir clairement avant d’agir pour prendre une décision raisonnable. Celle qui a tous les droits de t’envoyer bouler, qui vient d’entendre que tu la remercies et qui aurait pu s’en contenter vient de t’accepter. Tu lui souris timidement, mais sincèrement. Tu la regarde faire avancer ce cheval et tu observes ensuite cet animal qui a l’air de te détailler. Tu ne sais pas trop comment réagir, toi les animaux ça ne te parles pas trop et encore moins les chevaux. Enfin tu as déjà vu des courses, c’était la seule chose à laquelle ton père t’emmenait quand tu étais gosse, mais tu ne connais que ces animaux de loin. « Oui je te suis » Tu n’as pas d’objection à faire, après tout tu es là en tant qu’invité si tu peux dire. Tu suis Jamie et son cheval, un peu à la traîne, la bête se déplaçant plus vite de toi. Il faut aussi ajouter qu’aujourd’hui, ta jambe, cette douleur récurrente que tu gardes de l’accident te fait mal. C’est peut-être parce que tu es stressé. Tu prends alors sur toi pour garder un rythme correct tout en marchant correctement. Une fois arrivé au box, tu regardes Jamie attacher le cheval et enlever la selle. Tu ne sais pas trop quoi dire, tu ne veux pas t’imposer comme la dernière fois et du coup, tu ne sais pas quoi faire. Tu n’es pas vraiment toi-même mais en même temps, tu n’as pas envie de l’être, tu ne veux pas être ce mec qui a fait tant souffrir cette jolie brune. Alors que tu l’observes dans son élément, ce qui t’apaises, tu l’entends briser le silence. Automatiquement tu passes ta main sur la partie concernée de ton corps à cette mention. C’était la deuxième que tu t’ouvrais à l’arcade, la première fois suite à l’accident et la deuxième suite à cette bagarre au Lola Coffee. Tu avais déjà eu une cicatrice suite à l’accident, mais avec l’évènement récent qui t’es arrivé, ta cicatrice s’est vue être d’autant plus accentuée, plus profonde et plus voyante. « Oui ça va merci, tout est réparé » Tu essaies d’avoir un ton un peu blagueur mais tu ne sais pas trop si c’est le cas. « Et toi ça va, tu as bien commencé l’année ? » Tu sais que c’est une phrase bateau mais en même temps, il faut bien que tu commences la conversation d’une manière ou d’une autre. Tu la regardes brosser cette imposante créature et tu vois la poussière s’envoler au-dessous de vous. Tu regardes ensuite tes mains et tu te rends compte que la petite boîte de chocolats s’y trouve toujours. Tu fronces un peu les sourcils et tu finis par te lancer, de parler de cette boîte dont tu as passé des heures à te demander si c’était une bonne idée. « Ah et je t’ai ramené ça pour te remercier, c’est pas énorme hein mais je voulais t’offrir un petit quelque chose. » Tu espères que ton geste est le bienvenu et tu poses la boîte à côté de la malle qui contient les brosses et tous les ustensiles nécessaires à l’entretient du bien être du cheval. « Tu veux que je t’aides, pour le brosser ? Enfin le… Je sais même pas si c’est un garçon ou une fille, et c’est quoi son prénom ? » Tu sais pas trop pourquoi tu t’y intéresses, toi ça ne te passionnes pas vraiment à la base et tu ne sais pas non plus pourquoi tu proposes ton aide alors que tu n’as jamais brossé de cheval. C’est peut-être parce que tu sais que pour Jamie c’est important, alors tu fais un effort, tu t’adaptes.

La situation était loin d’être idéale, elle était même très gênante quand on y pensait. Toi en train de brosser ton cheval pendant qu’un silence de plusieurs secondes s’installe. Tu aurais été seule à brosser cette jument, cela t’aurait déjà paru bizarre car tu étais du genre à parler avec les chevaux quand tu t’occupais d’eux mais là, en présence d’Aaron, rien ne paraissait normal, rien ne paraissait être à sa place, comme si sa présence était une anomalie qui n’était pas censée arriver. Le silence s’étirait entre vous comme on étire un élastique, plus on tire, plus la distance entre les deux bouts de l’élastique est grande et moins sont les chances que l’élastique reprenne sa forme normale. Tu décidas donc de briser la glace en posant une question banale qui ne fit qu’augmenter le côté gênant de toute cette histoire. Tu avais toujours su comment te comporter avec Aaron, cela avait toujours été naturel. D’abord au lycée quand tu étais tombée amoureuse de lui et que tu avais jouer la fille un peu mystérieuse et sportive pour l’impressionner, ce qui avait marché, enfin en apparence du moins. Puis quand vous aviez été ensemble, tu savais aussi comment te comporter avec lui en petite amie qui laisse de la liberté à son homme mais qui est quand même présente. Même lors de votre rupture, tu avais su l’insulter dignement et ne plus lui adresser la parole ensuite. Sans parler du tribunal où tu avais su que ta seule envie était de l’enterrer, de le finir, de lui faire comprendre la douleur que tu ressentais au creux de ton ventre, au creux de ton cœur. Là aussi tu avais su comment réagir, tu lui avais sauté dessus, pas pour le câliner ou l’embrasser, non, pour l’étrangler et en finir avec cette pourriture qui avait pris les choses les plus précieuses pour toi. Lors de vos deux dernières rencontres, tu avais également su être tantôt méfiante, tantôt inquiète pour son état mais aujourd’hui, tu étais perdue et tu ne savais pas du tout comment agir avec cet homme à quelques mètres de toi à peine. Alors tu fixes le pelage du cheval, comme si tu avais repéré une énorme tâche invisible et que tu t’entêtais à la faire disparaitre à coup de brosse tout en répondant à la question banale que Aaron venait de lancer, à croire que lui aussi ne savait pas très bien quoi faire ou quoi dire dans cette histoire. J’ai passé le nouvel an avec Riley. C’était plutôt sympa et toi ? Une pensée t’éclaira soudain, il ne savait pas qui était Riley. En effet, tu avais rencontré ton demi-frère pour la première fois après le procès, après avoir envoyé Aaron en prison et avoir juré ne jamais le revoir. Mais tu ne pensas pas à préciser, ton attention de nouveau porter sur le pelage de la jument qui s’agitait devant tant de malaise autour d’elle.

Tu regardes de nouveau Aaron lorsque celui-ci t’annonce t’avoir apporté quelque chose, tu le regardes poser une petite boite sur la boite de pansage et tu souris. C’est une délicate attention et tu n’es pas sûr d’avoir réellement mérité cela mais tu ne vas pas dire non à ces chocolats maintenant, ce serait rajouté du malaise alors que la situation en était déjà pleine. Merci Aaron… Ces mots sonnaient étrangement dans ta bouche, tu n’avais pas remercié le jeune homme depuis plusieurs années ou en tout cas pas sincèrement. Mais alors que tu te demandes l’effet que ces mots ont sur toi, le jeune Carter reprend la parole. Tu ne peux t’empêcher de sourire, parler de chevaux à toujours cet effet sur toi. Avec joie ! C’est une jument, elle a eu 5 ans il y a quelques semaines et elle s’appelle Dahlia. Tu t’arrêtes là mais tu aurais pu continuer un moment car après quelques semaines de travail avec la jument, tu en avais appris un rayon sur elle, notamment ses goûts alimentaires, de sellerie et sociaux. Tu regardes le jeune homme qui ne sait visiblement pas quoi faire, tu lui souris gentiment et lui tend la brosse que tu tenais entre tes doigts. Prend cette brosse et frotte en rond sur son flanc et sur sa croupe. Habituée des termes techniques, tu prends quand même le temps de lui montrer en même temps que tu parles, le geste et les zones à brosser. Cela te fait plaisir de voir que le jeune homme s’intéresse un minimum au cheval. Tu ignores totalement d’où cela lui vient, lui qui t’avait quasiment fait arrêter le cheval lorsque tu étais au lycée et qui se trouvait maintenant à côté d’une belle jument en train de la chouchouter. Tu attrapes une autre brosse et t’occupes de l’autre côté du cheval pendant que la discussion continue, moins gênante maintenant que vous êtes tous les deux occupés. Tu connais mon métier mais moi je ne sais rien de ce que tu fais dans la vie de tous les jours, tu as finalement repris tes études ou pas ? Tu savais qu’il poursuivait des études d’avocat avant de les arrêter et d’avoir cet accident quelques mois plus tard. Tu le savais grâce au procès où chaque détail de vos vies avaient été scrutés et particulièrement celle d’Aaron. Mais tu savais aussi que les études de droit lui étaient désormais inaccessibles car un avocat avec un casier judiciaire était un avocat licencié. Mais cette question n’était pas du tout méchante ou pour lui rappeler son parcours chaotique, tu voulais juste savoir ce qu’il faisait dans la vie et en connaitre un peu plus de sa nouvelle vie. Cette curiosité ne te semblait pas mal placée mais une partie de toi continuait de te scander que tu n’avais pas besoin de savoir quoique ce soit sur la vie de ce tueur sachant qu’il n’aurait jamais du revenir dans ta vie…

Habituellement tu es plutôt sûr de toi, tu sais où tu veux en venir et pourquoi tu prends telle décision ou non. Mais il faut croire qu’à chaque fois que tu dois en prendre une qui a un rapport avec Jamie, tu ne sais pas trop quoi faire. D’un côté, tu te dis que c’est normal après tout votre relation, si on peut appeler ça comme ça, est loin d’être banale. Vous étiez sortis ensemble, tu lui avais déjà fait du mal à cette époque là et quelques années plus tard tu t’es retrouvé face à elle dans un tribunal, l’expression d’une haine incommensurable sur le visage de la brune restant gravé dans ta tête. Tu avais déjà pris la mauvaise décision la dernière fois en te présentant ici-même, certes tu avais cru bien faire mais ça n’avait pas été le cas. Aujourd’hui, tu ne veux plus de ça, tu essayes alors de mettre de côté qui tu es parce que tu as peur qu’une fois de plus, ta nature te fasse faire ou dire quelque chose que tu vas sans doute regretter. Le malaise est donc présent, vous êtes là avec cet animal entre vous deux et vous ne savez pas vraiment quoi dire. Tu essayes de te décoincer, de te déstresser sans pour autant relâcher complètement ta garde, tu ne veux pas foirer, pas après ce que Jamie a fait pour toi au Lola Coffee. Vous essayez alors d’entretenir une conversation tant bien que mal et elle te confie qu’elle a passé le nouvel an avec un certain Riley. Tu fronces les sourcils, tu ne sais pas qui c’est. Quand vous étiez sortis ensemble à l’époque tu ne l’écoutais pas toujours, tu en étais conscient, mais tu aurais quand même retenu si elle avait un frère qui se prénommait ainsi. Tu te demandes alors si c’est son petit copain et tu ressens une pointe de jalousie. Tu es souvent jaloux, mais à ce moment-là, tu ne comprends pas pourquoi tu ressens ça, tu n’as aucune raison de l’être, ni même le droit. Tu gardes ce questionnement pour toi, après tout ça ne te regarde pas. Si elle avait eu envie de te dire qui était ce Riley, elle l’aurait fait. « Je l’ai passé avec Jewel et d’autres amis, c’était cool aussi » Tu ne sais pas si elle se souvient que Jewel était déjà une amie proche au lycée. Aujourd’hui elle l’était toujours, c’est même ta meilleure amie. Tu te souviens ensuite que la jolie blonde était là lors du procès, qu’elle était derrière toi sur un des bancs pas très loin. Alors tu te dis que si, Jamie doit très bien savoir de qui tu parles. Le silence est de retour et te ne sais toujours pas quoi faire.

Tu te souviens alors de cette boîte que tu as amené avec toi. Elle a l’air d’apprécier ton geste, ou du moins elle l’accepte et tu arbores ton premier vrai sourire de la journée. Tu es content de l’avoir finalement acheté et comme tu te sens un peu plus détendu suite à cela, tu te laisses un peu aller et tu proposes ton aide à Jamie pour prendre soin de ce bel animal dont tu ne connais pas grand-chose. Elle accepte et tu souris de plus bel, un sourire encore un peu gêné certes, mais bel et bien présent. « C’est un joli prénom Dahlia, j’aime beaucoup. Et c’est ton cheval ? » De la joie était présente dans la voix de Jamie lorsqu’elle t’en avait appris un peu plus sur ce cheval. Tu te dis que la conversation commence à enfin devenir naturelle entre vous deux et ça te fait plaisir. Ce qui te rend d’autant plus heureux c’est de parler de quelque chose qui plaît à Jamie avec elle. Ça fait des années que vous ne vous êtes rien dit de normal, que vous n’avez pas échangé de vrais sourires. Tu sais pertinemment que lorsque vous étiez sortis ensemble au lycée, tu ne t’étais pas intéressé à sa passion mais tu as grandi depuis et tu te dis que ça pouvait être sympa d’en apprendre un peu sur ce domaine qui passionnait depuis tant d’années cette jolie brune. Elle accepte ton aide et te tend la brosse qu’elle avait entre les mains tout en t’indiquant où brosser l’animal. Quand elle mentionne le flanc, tu te doutes que cela fait référence à la partie latérale du corps, des restes de tes études de médecines sans doute. En revanche la croupe, ça ne te dit rien, heureusement qu’elle te montre alors où cela se situe. « Ça marche ! » Tu réponds sur un ton enjoué. Tu te sens un peu excité par cette nouvelle expérience, tu n’as jamais brossé un cheval mais tu es content de le faire. Tu fais donc des mouvements circulaires comme te l’a conseillé Jamie et tu brosses seulement les parties du corps qu’elle t’a indiquée. Sur le coup, tu ne dis rien parce que tu es concentré alors un nouveau petit silence s’installe mais rien de gênant cette fois-ci. Tu es occupé et elle aussi. Ton cerveau se concentre sur cette nouvelle activité que tu sembles apprécier. Jamie te demande alors ce que tu fais dans la vie. C’est une question à laquelle tu n’aimes pas répondre, surtout quand tu parles avec d’anciennes connaissances qui savent très bien que tu avais un jour était dans une des plus prestigieuses écoles des Etats-Unis pour étudier la médecine. Parfois tu te sens un peu honteux de ton parcours, tu as vraiment perdu énormément de choses depuis cet accident, mais d’un autre côté, tu aimes ce que tu fais et tu te dis donc que tu ne devrais pas ressentir de la honte. « Ecoute non, en faite quand je suis sorti de… » Tu marques un petit temps de pause ça te parait irréaliste de parler de ça avec Jamie, mais maintenant que tu es lancé, tu es obligé de continuer et de prononcer ce fameux mot « … Prison je ne me suis même pas posé la question de reprendre mes études. Je suis directement parti en Amérique du Sud où j’ai commencé une carrière de tatoueur que je continue aujourd’hui à Phoenix depuis quelques mois maintenant, depuis que je suis rentré en ville » Tu ne sais même pas si elle est au courant que tu étais parti. Tu n’es pas trop à l’aise de parler de toi, heureusement que la présence de cet animal te calme ainsi que le fait de répéter ces gestes circulaires. Tu enchaînes alors : « Et toi du coup, tu fais de la compétition ou tu donnes des cours aussi ? » Tu sais qu’elle travaille ici et qu’elle aime son métier mais tu ne sais pas exactement en quoi il consiste non plus, alors tu poses la question même si c’est un peu aussi pour éviter de parler de toi. Tu as peur de dire quelque chose qu’il ne faut pas, déjà là tu as mentionné la prison et donc indirectement l’accident et tu as peur que Jamie réagisse mal suite à cela.

Parler des fêtes de fin d’année, ce sujet banal mais qui permet de maintenir une conversation gênante vivante, voilà ce que vous aviez décidé de faire. Tu apprends sans trop de surprise qu’il a passé le nouvel an avec une femme. On ne pas dire que le Don Juan que tu as connu ai changé, d’ailleurs le nom qu’il évoque t’es familier. Jewel ? Comme sa pote du lycée ? Comme la fille qui t’avais lancé un regard noir au procès ? Apparemment oui. Honnêtement, aujourd’hui, tu te fiche pas mal qu’elle t’ait lancé ce regard, tu as probablement fait de même juste parce qu’elle était du côté du jeune Carter ce jour-là et puis l’eau a coulé sous les ponts, tu croise peut-être même la jeune femme sans le savoir de temps en temps. Alors tu hoches la tête sagement, n’ayant pas trop d’idée sur ce que tu dois faire de l’information qu’il vient de te donner sur sa façon de passer la nouvelle année. Tu ne sais pas vraiment non plus quoi répondre alors autant ne rien répondre et continuer à brosser Dahlia. La suite t’échappe un peu mais vous finissez par vous retrouver chacun d’un côté du cheval à vous occuper de ce dernier dans une ambiance plus détendue, plus agréable et un animal moins stressé qui se fait chouchouter. Un vrai sourire éclaire ton visage et tu te rends finalement compte que c’est l’un des premiers moments agréables que tu passes avec Aaron depuis des années, c’est même le tout premier en fait. La sensation est étrange mais pas si dérangeante que cela à ta grande surprise. Tu ressens cependant un petit pincement au cœur alors que tes pensées dérivent comme souvent depuis que tu as revu le jeune homme sur celle qui t’as donné la vie. Tu sais pertinemment que tu n’es pas en train de la trahir, que partager le brossage d’un cheval avec l’homme qui a cause l’accident dont elle a été victime n’est pas comme la tuer de nouveau mais tu ne peux t’empêcher de te sentir coupable d’apprécier cet instant alors que tu le partages avec lui…

Pour t’empêcher de laisser grandir ce sentiment et de voir le malaise et la gêne revenir, tu poses une question, supposée sans conséquences mais qui finalement n’est pas si désintéressée que ça. Tu as réellement envie de savoir ce qu’il est devenu après toutes ces mésaventures, de savoir ce que le futur médecin qui t’avais brisé le cœur à deux reprises était devenu. Il t’explique donc son parcours en mentionnant la prison. Le mot te fait tiquer mais tu te forces à ne pas trop réagir, à ne pas montrer que cela te ramène inlassablement au pire jour de ta vie, le jour où tu avais appris la mort de ton héroïne. Tu te concentres pour écouter la suite de ce qu’il raconte et ne pas craquer face aux souvenirs qui tentent de te submerger. Il est tatoueur, tu souris doucement. Tu n’as jamais cru aux coïncidences mais quelles étaient les chances que Aaron devienne tatoueur et revienne dans ta vie quelques semaines après que tes potes t’aient offert de te faire un tatouage dont tu parles depuis des années ? Aucune. Tu secoues la tête, chassant l’idée stupide de faire faire ton tatouage par le jeune homme. Tu préfères retourner au brossage de la jument. Et ça te plait vraiment le tatouage ? Je crois que je ne t’ai jamais vu prendre un papier et un crayon pour faire un dessin … Tu ne questionnais pas son talent enfin presque pas, tu faisais juste remarquer ta surprise face à ce nouveau choix de carrières artistique. Mes potes m’ont offert un tatouage à Noël… Tu t’infliges une gifle mentale, mais pourquoi diable es-tu allé lui raconter ça ? A croire que la présence d’Aaron te perturbe vraiment et que d’une façon ou d’une autre, il a réussi à regagner un peu de ta confiance… Il te pose ensuite une question sur ton métier à toi, heureuse de pouvoir changer de sujet et ne plus parler de l’hypothétique tatouage que tu es censée de te faire faire, tu réponds rapidement à sa question. Je donne des cours toute la semaine, surtout à des groupes de cavaliers mais aussi quelques cours particuliers, j’entraine les cheveux des propriétaires qui le souhaitent et je monte ma jument. On n’a pas encore fait de compétition mais j’espère qu’on pourra bientôt en faire… C’est une sauteuse extraordinaire ! La joie se lisait sur ton visage quand tu parlais d’Asha et malgré le passé ou le malaise qu’il pouvait y avoir entre vous, parler d’elle te faisait immédiatement te sentir bien, elle était ton âme sœur équin et rien n’y personne ne pouvait faire de ce sujet, un sujet triste ou déprimant.

Sûrement que personne ne pouvait réellement comprendre pourquoi tu t’entêtes à tenter de recréer un lien avec Jamie. N’importe quel lien tant que la haine qu’elle éprouvait pour toi jusqu’ici disparaissait. Tu l’avais vu dans son regard, au Lola Coffee que quelque chose avait changé et c’est sûrement pour ça qu’aujourd’hui tu as pris ton courage à deux mains pour aller la remercier pour ce qu’elle avait fait pour toi alors que rien ne l’y avait obligée. Au début, la conversation, vos gestes et vos expressions illustraient la gêne qui existe entre vous deux. Comment ne pas être gêné de toute façon ? Comment tenter de reconstruire une relation presque normale après tout ce que vous avez vécu en commun mais chacun de votre côté ? Tu ne le sais pas mais tu essayes quand même, tu en as besoin. Après tout, c’est pour ça que tu es revenu à Phoenix, tu avais besoin de revoir Jamie. Quelque chose te ronge de l’intérieur, tous les jours, et au lieu de s’apaiser, même après toutes ces années tu as parfois l’impression que cette gêne grandis en toi. Cet accident te marquera toute ta vie tu le sais et tu as l’impression qu’une solution pour adoucir cette douleur bien trop amère est Jamie. Personne ne peut comprendre, toi seul le peut et tu sais pourquoi au fond, tu sais ce qui ne va pas mais tu le gardes pour toi. Alors tu tentes avec cette boîte de chocolat, avec ce ton calme de te rapprocher d’elle et de lui faire comprendre que tu es reconnaissant, tu n’oublieras jamais ce qu’elle a fait pour toi devant ce café, jamais.

Tu passes un bon moment, tu brosses ce cheval qui a fini par t’accepter alors que dans un premier temps, il t’avait lancé un drôle de regard. C’est peut-être parce que Jamie a aussi toléré ta présence que l’animal en fait de même. Dans tous les cas, tu le chouchoutes et tu te concentres pour bien reproduire les gestes que Jamie t’a indiqué. Tu sais très bien qu’un faux mouvement peut faire du mal à l’animal, les Hommes et les bêtes sont semblables sur ce point-là. Tu repenses à tes années de médecine, dire que toi aussi tu prenais soin des autres à une époque, que tu cherchais à soigner ton prochain. Aujourd’hui tu ne peux plus le faire, tu as raté le coche mais au final, c’est peut-être mieux comme ça. Il aurait fallu que tu te soignes toi avant de pouvoir penser à guérir les autres. D’ailleurs, le sujet de tes études vient sur le tapis. Bien sûr que Jamie sait que tu as fait médecine, en revanche, elle ne sait pas si tu es devenu médecin ou non. Eh bien non et même si tu avais essayé de reprendre les études après la prison, tu ne penses pas que tu aurais réussi, ni même été accepté à part si ton père avait été d’humeur à donner de gros pots de vin, enfin… Tu expliques alors que non tu n’as pas continué et tu mentionnes la prison, comme un con. Ton cœur se pince, tu n’aurais pas dû faire ça mais en même temps, ça fait parti de ta vie. Alors tu te reprends et tu continues ce que tu avais commencé à lui expliquer pour finalement confier à la brune que tu es tatoueur. Tu ne la vois pas parce que le cheval se trouve entre vous deux mais tu entends à sa voix que ça l’étonne. « Oui écoute. C’est une passion qui m’est venue durant mon année sabbatique quand je faisais encore médecine. J’ai pas mal voyagé et j’ai rencontré un gars qui m’a initié et je sais pas pourquoi, j’ai tout de suite adoré faire ça et il s’est avéré que j’étais pas mal doué » Heureusement pour toi d’ailleurs, tu aurais fait quoi de ta vie si tu n’avais pas cette passion ? Elle te confie que ses amis lui ont offert un tatouage à Noël et tu souris, un drôle de sourire que tu n’as pas eu avec elle depuis des années. Tu ne sais pas trop ce que ça veut dire, est-ce qu’elle te fait comprendre qu’elle veut que tu la tatoues ? Non tu te fais des idées. Tu veux lui poser la question mais le sujet dévie sur la profession de Jamie. Tu gardes cette interrogation dans ta tête pour plus tard, après tout tu comprends qu’elle ne veuille pas être tatouée par toi mais tu peux tout de même lui conseiller un tatoueur ou juste l’aider avec son dessin. « C’est cool tu fais pleins de choses, tu dois pas avoir le temps de t’ennuyer ici je pense… » Tu regardes le cheval et tu continues « Des compétitions ? Quand j’étais petit j’allais voir des courses avec mon père, tu sais des jockeys, c’est ce genre de compétition que tu fais ? » Tu attends sa réponse et une fois qu’elle le fait tu lui demandes « Ca te dérangerait si je venais voir une compète une fois ? » Tu aimerais qu’elle dise oui mais tu comprendrais si elle refuse. Mais tu commences à aimer cet endroit et tu te dis que revoir des gens sur des chevaux pouvait être un bon remède pour toi, un moyen de te rappeler quelques bons moments du passé.