Tout a commencé par une jeune française, tombée enceinte d’une aventure sans lendemain. Elle accoucha sous X d’une petite fille qui fut placée à l’adoption. Cette petite fille, ce n’est pas Tara. Tara est née deux ans plus tard dans un hôpital de Paris. Sa mère avait rencontré son père peu de temps après cette première naissance qu’elle avait gardé secrète, un américain qui l’avait choyée, entretenue, avait pris soin d’elle et elle était tombée enceinte à tout juste vingt ans alors que lui en avait vingt-cinq. De jeunes parents en somme mais qui furent ravis d’accueillir cette petite princesse au sein de leur foyer. Si son père avait rapidement pris ses responsabilités, sa mère a toujours eu du mal à quitter son rôle de jeune fille pour entrer dans son rôle de mère si bien que durant l’adolescence de Tara, sa mère s’est toujours plus comportée comme une copine qu’une mère. Sympathiser avec les amis de sa fille, lui emprunter ses vêtements, ne presque jamais l’engueuler quand elle faisait une bêtise. Au départ, ne jamais se faire gronder par sa mère était plutôt une bonne chose aux yeux de Tara, mais quand elle avait besoin de parler à une adulte, c’était compliqué. Arrivée à trente-cinq ans, elle continuait d’agir comme si elle en avait dix-huit au point que Tara avait parfois l’impression à quinze ans d’être plus mature que sa propre mère. Elle aimait ses parents, là n’était pas le souci, mais il elle avait besoin d’une mère, pas d’une copine et d’un père qui devait toujours se taper le mauvais rôle puisque sa mère ne disait jamais non à rien. Quinze ans, c’est l’âge auquel Tara a du dire adieu à la France. Depuis plusieurs années, ses parents parlaient de se rendre en Amérique, et quand son père eu une proposition d’embauche plus qu’intéressante à Scottdale dans la banlieue de Phoenix, en Arizona… la famille entreprit toutes les démarches pour le déménagement. Olivia, la mère de Tara était femme au foyer alors elle était juste ravie de découvrir un nouveau pays. Pour Tara, quitter son pays de naissance, sa ville, son lycée, ses amis… c’était plus compliqué. La barrière de la langue n’était pas un problème, bercée dans l’anglais depuis toute petite grâce à son père, elle était parfaitement bilingue, mais elle n’avait aucune envie de partir.
« Il fait trop chaud ici… » râla-t-elle à peine avait-elle mis un pied en dehors de l’avion après presque quatorze heures de vol dans les pattes. En taxi, ils rejoignirent leur nouvelle maison qui, malgré toute la mauvaise foi de Tara, était magnifique. Nouvelle ville, nouveau pays, nouvelle maison, une nouvelle école à la rentrée… Ils avaient déménagé en plein milieu des vacances d’été et pour Tara, ça n’avait pas été évident de se faire des amis malgré sa mère qui la poussait à sortir.
« Et sortir où ? J’connais personne ici, et j’te rappelle que j’ai pas l’âge d’entrer en boîte ou dans un bar » ironisa Tara
« Mais enfin chérie, à ton âge faut t’amuser un peu ! Après tu vas vieillir et tu vas regretter de plus pouvoir le faire » Tara leva les yeux au ciel. Comme toutes les jeunes de son âge, elle aimait faire la fête, mais elle aimait surtout le faire avec ses amis. Du haut de ses quinze ans, elle allait faire quoi ? S’incruster dans une soirée étudiante ? Sonner à toutes les portes du quartier pour voir s’il y avait des gens de son âge ? Mieux valait rester enfermée dans sa chambre avec son ordi et le ventilateur. Heureusement, septembre arriva et elle avait bien plus hâte d’intégrer cette nouvelle école qu’un mois plus tôt. Rapidement elle rencontra de nouvelles têtes. Certaines pétasses la prirent immédiatement de haut, quand d’autres personnes munies de neurones sympathisèrent avec la petite nouvelle. En quelques semaines, Tara finit par accepter que sa vie était ici maintenant et qu’elle devait arrêter de regretter Paris. Elle s’intégra et se mit à sortir avec ses amis, au plus grand bonheur de sa mère.
Tara sortait de plus en plus souvent mais ça ne l’empêchait pas de conserver des notes acceptables à l’école jusqu’à ses dix-sept ans. Elle faisait du shopping au centre-commercial avec sa mère quand une femme l’aborda. Grande, mince, métisse, sexy et classe. Travaillant pour une boîte de mannequinat, elle cherchait des jeunes filles et le profil de Tara l’intéressait. Si la jeune fille ne savait pas trop quoi en penser sur le moment, sa mère avait en revanche posé beaucoup de questions à la femme et cette dernière avait laissé sa carte avant de partir.
« Tu te rends compte, c’est génial ! T’as une de ces chances, tu vas accepter j’espère ? » Tara haussa un sourcil dubitative
« Ben… j’sais pas, c’est clair que ça a l’air cool mais… avec l’école et tout, je sais pas si j’vais pouvoir gérer, faut voir… » « Oh mais l’école c’est pas bien grave ça » Tara ne releva pas, bizarrement, son père n’allait probablement pas être du même avis. Elle soupira et les deux femmes rentrèrent à la maison. Tara n’écouta que d’une oreille le baratin de sa mère dans la voiture sur le chemin du retour.
« Mannequin ? A son âge ? Et puis quoi encore ! » entendant les voix s’élever, Tara retira son casque de ses oreilles
« Mais c’est une occasion en or ! C’est dur de percer dans ce métier tu sais, c’est une chance unique pour elle. » « Peut-être mais on verra quand elle aura son diplôme et qu’elle sera majeure » « Arrête, ce sera trop tard dans quatre ans, c’est maintenant qu’il faut saisir l’occasion ! » « Et elle en pense quoi ta fille, tu lui as demandé au moins ? » « Mais bien sûr qu’elle a envie, toutes les filles de son âge rêvent de ça » Tara ferma les yeux et remit son casque en augmentant le volume pour arrêter de les entendre.
Après quelques temps, Tara rappela l’agent qui l’avait contactée, à l’abri des oreilles de ses parents. Elle posa
ses questions, ce qu’elle avait besoin de savoir, comment ça allait se passer si elle acceptait. Elle écouta attentivement et elle finit par accepter la proposition. Elle signa un contrat quelques semaines plus tard, avec la signature de sa mère malgré le désaccord de son père.
« T’es sûre de toi Tara ? C’est vraiment ce que tu veux ? » lui demanda-t-il sur un ton bienveillant
« Tu préfères pas attendre un petit peu avant de te lancer là-dedans ? » Tara y avait pas mal réfléchi et sa mère avait raison sur un point : elle devait saisir sa chance maintenant avant qu’il soit trop tard. La jeune blonde hocha la tête et son père soupira. Il voulait le bonheur de sa fille, et si ça pouvait la rendre heureuse alors… il allait laisser faire, mais ça ne l’enchantait pas de projeter sa fille de dix-sept ans dans le monde du travail, qui plus est, dans un domaine réputé impitoyable. Si son contrat promettait de la laisser poursuivre ses études jusqu’à l’obtention de son diplôme, il y avait beaucoup de travail, de shooting, elle était invitée à des soirées huppées et peu à peu cet univers devint le sien. Surtout lorsqu’elle atteint ses dix-huit ans. Elle avait raté son diplôme et avait dû retaper son année de terminale mais elle ne fut que moins assidue que l’année précédente, elle se faisait engueuler par son père à cause de ses absences et de ses notes, sa mère la défendait bec et ongles. Elle l’obtint finalement et put profiter d’être mannequin à plein temps avec tout ce que ça impliquait. Tara partit s’installer à Phoenix-même où se trouvait l’agence. Elle obtint ainsi son indépendance et la vie allait bon train, les sorties, les fêtes, les voyages, les hôtels, les hommes, l’argent, les soirées VIP, c’était la belle vie.
« Maman ?? » Tara n’en croyait pas ses yeux. Cette blonde peroxydée en mini-jupe en cuir qui se déhanchait de manière vulgaire c’était… sa mère ? Les amis de Tara la regardèrent de manière étrange.
« Mais c’est pas vrai ! » Elle s’approcha d’elle et l’extirpa par le bras d’entre deux types qui la collaient d’un peu trop.
« Mais… mais t’es ivre en plus ! » « Rooh ça va, faut s’amuser ! » Ouais fin y’avait des limites.
« J’te ramène à la maison ! » mais sa mère refusait de la suivre
« J’suis ta mère, tu dois m’écouter ! » « Ah ouais ? Depuis quand ? » Tara leva les yeux au ciel alors que sa mère peinant de plus en plus à tenir debout.
« Tu t’es toujours comportée comme une gosse ! A dix-huit ans j’étais plus mature que toi à trente ! » « Vingt-huit » rectifia sa mère sans tenir compte du reste de la phrase
« Oh pitié arrête, tu foutais quoi à cet âge pour pas avoir arrêter maintenant hein ? » sa propre mère poussa Tara qui dut reculer d’un pas
« Ma jeunesse, je l’ai gâchée en mettant au monde un bébé ! » Tara entrouvrit la bouche choquée par de tels propos.
« Parce que c’est ma faute maintenant ?? » « Mais naaan j’parle pas de toi » Alors là, Tara ne comprenait plus rien, ses méninges avaient du mal à lier les informations entre elles.
« Mais de quoi tu parles ? » « J’parle d’avant qu'tu naisses » totalement ivre, sa mère n’avait pas l’air de se rendre compte de ce qu’elle disait. Tara elle-même avait bu mais n’était pas encore saoule, pour autant, elle dut appeler un taxi et ramener sa mère jusque chez elle où son père s’était endormi devant la télé. Il se réveilla avec le bruit et se contenta de porter sa femme jusque dans leur lit.
« Papa… maman, elle m’a bien eue à vingt ans ? » son père haussa les sourcils surpris et approuva
« Est-ce que … est-ce que maman a eu un autre enfant avant moi ou… ou elle racontait n’importe parce qu'elle a trop bu ? » le visage de son père s’assombrit un peu et il tapota le canapé pour que Tara s’assied
« Oui… quand je l’ai rencontrée j’en savais rien, en fait ça fait pas si longtemps que je suis au courant mais.. oui, elle a eu un bébé quand elle avait dix-huit ans. » Tara garda le silence, laissant son cerveau embrumé assimiler tout ça.
« Et… il lui est arrivé quoi à ce bébé ? » « J’en sais rien… enfin si, je sais qu’elle a été adoptée mais… à part ça, je sais rien. » Tara hocha simplement la tête. Elle parti se coucher dans son ancienne chambre et repartit au petit matin avant le réveil de tout le monde pour rentrer chez elle. Alors elle avait une grande sœur quelque part, en France ou ailleurs. Est-ce qu’elle était heureuse ? En bonne santé ? Bizarrement, elle en voulait moins à sa mère d’avoir voulu rester une enfant. Tara avait déjà craint d’être tombée enceinte dans sa jeunesse et cette simple fausse alerte l’avait plongée dans la panique alors elle n’osait pas imaginer ce que ça faisait de tomber enceinte à dix-huit ans, en étant toute seule. Cette histoire a trotté longuement dans la tête de Tara et elle continue encore souvent à y penser.
Durant une soirée, Tara avait vingt-deux ans, elle rencontra un homme, le genre jeune investisseur plein aux as qui ne savait pas quoi faire de son fric et ravi d’exhiber une jolie pouliche à son bras. Les deux jeunes gens se mirent rapidement en couple, six mois plus tard, ils se mariaient… mais il n’avait fallu que trois semaines pour que son mari la trompe. Un shooting avait été annulé pour des raisons matérielles et elle était rentrée plus tôt que prévu, elle avait trouvé une de ses collègues dans son propre lit, avec son mari. Non seulement elle l’avait tirée par les cheveux jusqu’à la foutre à poil dehors mais elle avait giflé son mari d’une telle force qu’elle en avait gardé mal à la main pendant plusieurs jours. Aussitôt elle avait demandé le divorce et lui avait saigné un paquet de fric. D’office, elle la victime cocue fut traitée de tous les noms et accusée d’avoir calculé son coup depuis le début, d’avoir juste voulu se faire du fric facile. La victime devenait le bourreau et l’enfoiré qui l’avait trompé était une pauvre victime innocente. On marchait sur la tête… Tara a quitté le monde du mannequinat peu de temps après. Avec tout l’argent qu’elle avait empoché, Tara décida de se prendre une année sabbatique ou deux. Elle fit quelques voyages dont elle rêvait depuis longtemps, revenant de temps en temps à Phoenix et repartant régulièrement. Après être allées aux quatre coins du monde et avoir trop pris l’habitude de boire tous les jours pendant presque deux ans, Tara revint véritablement à Phoenix. Elle vendit la maison dont elle avait hérité pendant le divorce pour se prendre un joli appartement qui lui suffisait amplement. Ivre du matin au soir, Tara entreprit d’arrêter de boire et de se retrouver un travail… C’est finalement dans un cabaret qu’elle trouva son bonheur. A dire vrai, elle avait payé l’entrée parce qu’elle avait vraiment besoin d’utiliser des toilettes. Puis elle avait vu le spectacle, les plumes, les paillettes, les couleurs, la danse, la musique, … elle avait postulé et après quelques essais, elle fut embauchée. Dès lors, elle avait freiné sur l’alcool de sorte à arriver au travail de manière présentable, attendant son retour à la maison pour boire un verre de vin et aller se coucher.
Combien de fois vous a-t-on dit de regarder de chaque côté avant de traverser ? Heureusement qu'en sortie de boîte, certains conducteurs font plus attention que les jeunes gens bourrés qui en reviennent. Complètement déchirée après beaucoup trop de
"allez un p'tit dernier" Tara avait bien pris soin de regarder de chaque côté, à droite, à gauche, plusieurs fois, mais le petit bonhomme rouge et les phares de voiture n’avaient pas été un signe suffisant pour que son cerveau tournant au ralentit lui dise de rester sur le trottoir. Résultat, elle avait été percutée sur le passage piéton. Heureusement, l’homme au volant roulait lentement et il y avait eu plus de peur que de mal. Tara était dans un sale état, mais difficile de savoir si c’était dû au choc ou à l’alcool. Quoi qu’il en soit, le conducteur s’était assuré qu’elle reste consciente le temps que les pompiers arrivent. Elle ne savait plus trop à quel moment elle s’était endormie, mais elle avait rouvert les yeux dans un lit d’hôpital, le corps engourdit, le visage un peu contusionné et avec un mal de crâne carabiné. Elle échangea quelques mots avec un médecin avant de recevoir une visite.
« Vous allez bien ? » devant le regard incrédule de Tara, il ajouta
« Je suis le conducteur… si vous vous souvenez » il esquissa un sourire que Tara finit par lui rendre
« Je vais bien, a priori je suis en un seul morceau » il avait l’air soulagé qu’elle aille bien. Il était plus âgé qu’elle, peut-être bien de quinze ans voire plus mais il avait un charme indéniable. Ils étaient restés à discuter dans sa chambre pendant un moment. Qui aurait cru qu’ils se reverraient pour boire un café, dîner au restaurant et finalement s’embrasser malgré les plus de vingt ans d’écart qui les séparaient. Quand ils officialisèrent leur relation, Tara ne manqua pas de se prendre des remarques. Tant que les gens pensaient voir une jeune femme et son père, tout allait bien, dès qu’ils voyaient un échange de baiser, les critiques fusaient. Comment leur en vouloir ? Tara avait appris plus tard que James avait beaucoup d’argent, alors une jeunette avec un mec riche qui avait l’âge de son père… vous auriez pensé la même chose. Mais Tara n’avait que faire des cadeaux. Bien sûr que ça lui faisait plaisir, mais elle ne sortait pas avec lui pour cette raison. Elle était la première surprise d’aimer un homme de cet âge mais il avait encore tout son charme, était un super amant, et puis… en fait elle n’était pas vraiment capable de dire précisément ce qui lui plaisait chez lui. Le plus compliqué là-dedans, ce n'était pas tant leur différence d'âge mais le fait qu'il avait un fils, un fils qui avait l'âge de Tara... Autant dire qu'elle n'était pas pressée de le rencontrer... Mais après trois mois de relation, les choses commençaient à être un peu sérieuses et la question se posait vraiment de présenter sa jeune petite-amie à son fils unique.